Mon dernier ouvrage, « Sport et mérite, histoire d’un mythe. Philosophie politique du corps en démocratie », est disponible depuis ce 6 septembre. Il s’agit d’un texte issu de mes travaux de thèse intitulée « Travail, ordre et discipline : la société sportive et ses tensions » soutenue en 2012.
Dès son origine anglaise au XIXe siècle dans les public schools, le sport répondait à des impératifs stratégiques allant du contrôle des populations étudiantes, jusqu’au projet plus vaste de formation d’une élite conquérante. Dans l’importation en France du sport, Pierre de Coubertin posa des objectifs similaires, désirant réformer une société jugée en crise. Le sport, caractérisé par une liberté encadrée et régulée, se heurta dans ce projet à la gymnastique, autre mode de contrôle des populations en vigueur dans les pratiques corporelles, marqué par le disciplinaire. Surtout, tel que pensé par Coubertin, le caractère du sport est fondamentalement ambivalent, étant à la fois aliénant et émancipateur. Cette ambiguïté se cristallise dans la question de l’égalitarisme. En effet, le sport, fondamentalement aristocratique au sens où il ne profite qu’aux forts physiquement, parvient paradoxalement à se présenter comme une pure méritocratie où le rang de chacun serait uniquement dépendant des efforts fournis, produisant ainsi ordre et travail. Cette représentation méritocratique du sport s’est construite tout au long du XXe siècle, répondant à un progressif oubli de son caractère aristocratique. Toutefois, malgré les évolutions des discours, des arbitraires de tout ordre persistent. Notamment, le fait sportif demeure aristocratique, tant physiologiquement que psychologiquement. Des résistances naissent : celles du sport lui-même, qui ne parvient pas à se réduire au seul mérite ; celles des sportifs, qui élaborent des stratégies qualifiées de délictueuses (triche, dopage, etc.) afin de subvertir l’aristocratie sportive. Des corps utiles, des âmes travailleuses et des caractères soumis sont produits par cette dialectique du mérite. Le sport exemplifie ces valeurs du mérite et tâche d’en imposer la logique, en se constituant comme un dispositif se généralisant peu à peu à tous les champs de la société. Il constitue une nouvelle politique du corps, un art de gouverner l’effort.
En se fondant sur une analyse minutieuse de sources historiques (notamment sur les écrits de Pierre de Coubertin), « Sport et mérite, histoire d’un mythe » déconstruit l’idéal méritocratique du sport et de nos sociétés, en proposant une philosophie politique du corps originale montrant comment nos conduites sont gouvernées par les illusions de l’égalitarisme.